An apple a day does not keep Amundsen away

Kim avait tenu sa promesse. La zone résidentielle se trouvait au même niveau que l’infirmerie, et il lui expliqua son fonctionnement, son organisation, et lui précisa que les places et la surface variaient selon la situation familiale de l’occupant, ou de son rang dans la hiérarchie de la base. Il triturait machinalement le carnet de vaccinations de la jeune femme, histoire de s’occuper les mains.

La petite pancarte qu’il avait scotchée sur la porte de l’infirmerie était toujours là et il la retira avec application, un petit bout de langue dansant au coin de sa bouche. Puis il froissa la feuille et la jeta dans la poubelle, en rentrant. Les cellules d’isolement étaient toutes vides et s’alignaient avec une morosité placide. Kim avait installé une sorte de bureau, dans la première d’entre elles, et il invita Inès à s’assoir sur le fauteuil en plastique à roulettes, absolument inconfortable.

« Au sujet de la vie dans la base elle-même, dans le principe, ce n’est pas différent d’ailleurs. C’est juste que vous êtes confinée ici et que vous ne pourrez plus en sortir. Donc, oui, en fait, on peut admettre que c’est un tout petit peu différent, sourit Kim, un peu stupidement. Il faudra veiller à respecter les autorisations entre les niveaux. Il n’y a strictement aucun contact avec l’extérieur, tout se fait en vase-clos. Même les ordinateurs de la bibliothèque sont branchés sur le propre réseau de la base. Si vous avez d’autres questions, n’hésitez surtout pas. »

Kim se gratta la joue puis ouvrit enfin le carnet de vaccinations.

« Bien, je pense qu’il serait temps de commencer cette visite médicale. Vous devez être épuisée et pressée d’aller vous reposer un peu. »

La liste des vaccins était parfaitement à jour et Kim se lança alors dans un interrogatoire en règle.

« J’ai plusieurs questions à vous poser, si vous le voulez bien. Avez-vous une ou plusieurs allergies que vous n’auriez pas mentionnées ? Il y a-t-il eu des cas de problèmes cardio-vasculaires dans votre famille ? De diabète ? D’Alzheimer ? De cancer ? De maladies rares ? Il y a-t-il eu des cas de déficience mentale parmi les membres de votre famille ? Avez-vous déjà contracté une maladie sexuellement transmissible ? A quand remonte votre dernier test du VIH ? Avez-vous eu un rapport non protégé au cours de ces six derniers mois ? »

Il fit une pause, pour respirer un peu, puis reprit :

« Je tiens à vous informer que vous ne pourrez pas quitter la base, même si votre état de santé nécessite des traitements de toute urgence. Toutes les précisions que vous pourrez me donner seront extrêmement utiles puisqu’elles me permettront de vous constituer un dossier personnel afin de mieux cerner les problèmes en temps et en heure. »

Kim releva enfin les yeux de la feuille où étaient notées toutes les questions qu’il devait poser, pour ne pas les oublier, et sourit, encouragement.

"Je vous prie de ne pas user de mon prénom comme si nous nous connaissions de longue date monsieur."

Elle n’avait pas desserré les dents ensuite. Avait suivit docilement, posé ses valisent, s’étaient assise. Elle grimaça en s’asseyant, elle n’avait pas envie d’user plus de salive pour tant de futilité mais sa moue était une reproche évidente envers le manque de diligence du médecin. Ne plus sortir, mais oui. Elle ne prêta pas attention à se détail à vrai dire. Pas le moins du monde. Elle poserait les questions aux autorités compétentes et non à ce clown.

Si je veux bien, comme si j’avais le choix.

"Je ne souffre d’aucune allergie excepté le rhume des foins. Je ne pense pas souffrir de présence de pollen dans un pareil lieu."

L’idée était absurde, à moins qu’il y ait des serres artificielles. Ils en seraient bien capables, qui sait peut-être qu’ils avaient voulu cette base autonome. Et qu’ils l’avaient pourvue de bijou technologie de lumière artificielle et de toute autre espèce de chose. Elle visualisait bien la scène, mais c’était réellement du domaine de la science fiction. J’ai besoin de dormir, je ne suis bonne à rien, mes pensées m’agacent. Ce bureau est laid.

Pas de problèmes cardio-vasculaires connus dans ma famille.

Pas eu le temps de vérifier si papa et maman avaient de bon cœur. C’est peut-être une plus jolie mort. Qui sait. Les grands-parents, maternel on en a pas. Je me plains pas, ça a du être pire pour ma mère de ne pas avoir de parents. Elle s’en est plutôt bien sortie pour une enfant abandonnée. Elle me couvait un peu trop peut-être, mais sinon elle assurait. Grand-père du côté paternel est mort à la guerre. Et grand-maman, d’une bronchite. Parfois ça ne pardonne pas quand on est âgé.

"Mon père souffrait d’un Diabète de type 2."

Cela l’avait fortement contrarié et il n’aimait pas en parler. A part sa mère et elle, personne n’était au courant. Elle continuait de répondre, simplement, ne laissant pas paraître de sentiment particulier.

"Aucun cas d’Alzheimer connu. "

Une maladie assez horrible, elle aurait été tentée de faire quelques travaux sur ces greffes neurologiques qui promettaient un traitement de ces maladies, quelque chose de beau. On ne pouvait pas être partout à la fois, même pour le Dr Inès Treguier.

"Ma grand-mère souffrait d’une leucémie, mais est morte d’une bronchite suite à sa baisse d’efficacité de son système immunitaire."

Un sourire poli, bref. La mine redevient sérieuse, les réponses suivantes sont débitées rapidement, sur un ton quelque peu guindé, elle n’aimait jamais, jamais parler d’elle. Il était cette fois visible que cette visite médicale l’agaçait au plus haut point.

"Je n’ai jamais contracté une maladie sexuellement transmissible."

"Je n’ai jamais fait de test du VIH. "

"Je n’ai pas eu de rapports non protégés au cours de ces six derniers mois."

Kim fut presque abasourdi par la froideur de la jeune femme. Il ne concevait pas – ou très mal, que l’on puisse refuser l’amitié ou la gentillesse de quelqu’un. Il s’était excusé platement, quand elle lui avait sèchement fait remarquer qu’elle refusait que l’on utilise son prénom.

Il n’était pas non plus censé le savoir et tout le monde pouvait faire des erreurs. Inès n’avait pas besoin de vouloir rivaliser avec un glaçon pour le lui dire. Il avait eu un tout petit sourire ironique, le genre de sourire qu’on utilise pour se calmer, qui cache la réalité. Le sourire qui veut tout dire, sauf un sourire.

Elle avait malgré tout joué le jeu et avait répondu à ses questions. Kim avait tout noté sur une feuille, après avoir écrit dans le coin gauche le nom et le prénom de la jeune femme. Il se servait ensuite de ces informations pour constituer des dossiers, et classer les membres de la base selon leur pathologie ou leur particularité.

Cela ne servait pas à grand-chose mais cela l’occupait, et ici, son travail restait, quoiqu’il en dise, très limité : les visites médicales des nouveaux arrivants, le soin des blessures superficielles, la distribution de médicaments, ou juste de l’écoute pure et simple. Parfois, il avait plus l’impression d’être un psychologue. Tout le reste était délégué à d’autres que lui, à croire qu’il n’était là que pour les gosses ou les vieux.

Il lâcha un soupir discret et remarqua :

« Bon, tout me semble correct. Par contre… »

Il fallait prendre la chose avec des pincettes. Inès avait expédié très rapidement et plutôt froidement les questions plus personnelles. Elle en avait assez et elle ne parvenait pas à le cacher. Mais Kim, en médecin consciencieux qu’il était, se fit un devoir d’oser :

« Concernant le test du VIH, il serait important de le faire. Compte tenu de la géographie et de la configuration même de la base, la prévention est de mise. Ce type de maladie entraîne des traitements lourds, et de plus, vous comprenez aisément les conséquences que pourrait avoir la transmission d’un tel virus ici. Je pense qu’il serait bon de faire ce test. Pas tout de suite, bien sûr, vous venez à peine d’arriver, mais d’ici quelques jours ou semaines. C’est moi qui m’occupe de la prise de sang, ensuite, je m’arrange avec un collègue. Bien évidemment, tout cela reste confidentiel, ne vous en faites pas. »

Kim eut un autre sourire.

Le sourire du jeune homme était beau mais il était trop souvent montré, et comme un objet exposé trop longtemps, sans arrêt, il perdait de son attrait. Son visage grave, plus rare, était plus attirant, mais le masque tenait bien, il était dans sa peau. Il joua avec une mèche de ses cheveux, distraitement, puis reprit :

« Je vous laisse choisir le jour et l’heure, prenez votre temps. Ensuite, vous êtes libres d’aller enfin vous reposer. »

On ne pourra pas lui reprocher de faire son travail convenablement. Elle tourna la tête vers la porte un instant, la tête lui tourna. Le vertige passa et elle plissa légèrement le nez, signe de réflexion chez elle. Elle n’aimait pas avoir de vertiges, elle avait l’impression que sa tête flottait et de perdre tout contrôle. Elle détestait ses faiblesses. Puis elle reporta son attention sur le docteur. Le gentil docteur et la méchante Inès. Comique.

"Ce serait un test inutile, je n’ai jamais eu de rapport sexuel et ai eu la chance de ne pas devoir être hospitalisée. Le risque de contagion par mes propres patients avec la sécurité actuelle était si risible... enfin. Je ne vous reprocherais pas de faire votre travail. Décidez-vous-même de la date. Cela m’est complètement égal. Vous pouvez même procéder maintenant. "

S’il y a bien un domaine ou Inès n’excelle pas le moins du monde, c’est les relations humaines. Et c’est bien le seul domaine où elle n’a aucune volonté d’amélioration de ses compétences. Elle n’aurait pas d’autre relation avec lui que celle d’un patient ou d’un collègue. Qu’importe le reste. Généralement, Inès n’a pas la volonté de blesser ou d’être méchante. Elle est si habituée à son indifférence, à sa vie faite d’automatisme et de rigueur. Parfois elle pensait que sa vie était un peu vide, mais c'est si agréable de ne rien penser. D'aller devant, d'oublier, comme elle est belle et pratique cette société de consommation.

Il faut que je mange quelque chose. Je n’ai pas mangé depuis vingt-quatre heures. C’est avec cette idée en tête qu’Inès se leva de sa chaise, cependant elle ne put se pencher vers sa valise qu’un voile noir lui tomba devant les yeux. Son corps vacilla un moment, elle ferma les yeux. Après un instant, elle cessa de vaciller, posa les mains sur son visage. Respira.

"Je n’ai rien mangé depuis trop longtemps. "

Elle se frottait la tempe machinalement, elle resta là debout, un peu gênée sans doute. Et pour la première fois depuis très longtemps, elle eut envie de craquer.

"Et je ne pourrais pas repartir d’ici… jamais ?"

La voix était un peu lasse, elle se tenait toujours debout, le visage dans ses mains, massant légèrement ses tempes. Elle connaissait la réponse mais avait besoin de l’entendre. Besoin de savoir si elle ne venait pas réellement de signer sa perte.

C'est long jamais, mais moins long que toujours.

"Il y a une église ici ?"

Elle sautait de coq à l'âne sans doute, mais cela lui avait paru important soudain.

Kim eut les yeux ronds comme des soucoupes, l’espace d’un instant. Il observa discrètement la date de naissance de la jeune femme sur son carnet de vaccination, et se gratta le sourcil droit. Il se racla la gorge, un peu mal à l’aise, et décréta enfin :

« Hum… Certes, oui… Dans ce cas-là, je ne vais pas vous embêter avec ça. Ça ne serait pas utile et ça vous ferait perdre du temps et à vous, et à moi… »

Il observa Inès un peu plus attentivement. Elle était si distante, si glaciale aussi. Kim osa penser que finalement, cela ne l’étonnait même pas. Il chassa cette pensée par un sourire amical, un autre. Inès paraissait épuisée, et il n’avait plus de raisons de la garder ici plus longtemps. Il se leva avec elle, pour la raccompagner poliment, mais la jeune femme s’arrêta, une main sur les yeux. Kim s’approcha aussitôt, et posa une main sur son épaule, puis se pencha vers elle, l’air concerné.

« Vous ne vous sentez pas bien, mademoiselle ? »
Mais elle lui donna elle-même l’explication, et Kim eut une petite moue. Si elle n’avait rien mangé depuis tant de temps, et si elle n’avait pas dormi non plus, rien d’étonnant à ce qu’elle se sente mal. Il se tourna et alla fouiller dans un des tiroirs de son bureau. Il sortit un paquet de feuilles, une dizaine de crayons, une agrafeuse, des boîtes vides de médicaments, et eut enfin une exclamation victorieuse. Il brandit une poche argentée, fièrement.

« Tenez, prenez ceci. C’est la nourriture que vous trouverez ici. C’est en fait une sorte de gelée qu’il faut boire avec une paille. Ca n’a pas un super goût, mais on s’habitude, puis de toute façon, ce n’est pas comme si on avait le choix. Après ça, vous vous sentiriez mieux. Dans le cas où ça ne s’améliorerait pas, vous pouvez toujours revenir me voir. »

La question suivante ne surprit pas Kim. Elle avait traversé l’esprit de chaque personne ici, à la base. Ils avaient tous voulu savoir, si oui ou non, le reste de leur vie se limiterait à une île perdu dans l’océan. Kim voulut arrondir les angles et il répondit, doucement :

« En raison des recherches qui sont effectuées ici, il est plus prudent pour les autorités supérieures de garder les personnes qui vivent sur la base, de tout contact extérieur. C’est pour cela qu’il n’est pas permis de regagner le continent. »

Lui aussi, quand il était arrivé ici, s’était interrogé sur la pertinence de son choix et l’avait même regretté. Il fallait accepter de tout perdre pour pouvoir apprécier sa nouvelle existence. Cette démarche était beaucoup plus simple pour ceux qui n’espéraient plus rien de l’univers qu’ils avaient abandonné.
La question suivante prit de court le jeune homme. Une église ? Ici ? Il ne put retenir son rire, mais s’excusa quelques secondes après. Si Inès lui avait demandé quelque chose d’aussi improbable, elle devait donc y accorder de l’importance et Kim lui dit simplement :

« Je crains malheureusement que vous ne trouverez pas une église ici. Dans un tel endroit, peu de gens accordent encore de l’importance à un dieu quelconque… Je pense que vous devriez vraiment rentrer vous reposer. Essayez de manger puis allez dormir. Ensuite, vous pourrez vous familiariser avec la base. Si jamais vous aviez un souci ou quoique que ce soit, n’hésitez pas à revenir me voir. »

Kim lui lança un regard encourageant et affable, puis sourit.

Généralement, mettre les gens mal à l’aise avait quelque chose d’amusant. Pas cette fois. Une réminiscence percuta ses pensées. Des cheveux bruns, bouclés, une vie heureuse. La chute. Le vide. Le souvenir mourut avant d’envahir ses pensées. Plus rien ne comptais que son travail et Dieu. Mais elle était une pécheresse, incapable d’être ce qu’elle aurait dû être pour Lui. Vouée à l’enfer. Elle nota que le médecin était un personnage peu soigneux à la vue du capharnaüm de son tiroir. Au moins le fait que la nourriture était des sortes de pochette évitait de retrouver des bouts de sandwich pas fini dégoulinant de mayonnaise au milieu de tiroir comme celui-ci.

Il avait raison, le goût était fade et sans saveur. Elle raya les serres de science fiction de sa tête. Visiblement, c’était moins hight tech qu’on ne pouvait le penser. A moins que la technologie future soit dans ces trucs horribles et sans consistance. Nourrir facilement et industriellement, manger rapidement. Une nourriture plaisante quand on est seul et sans autre plaisir que son travail. Cela lui convenait donc. Les repas familiaux n’étaient plus au goût du jour pour elle. Elle devait éviter d’être autant fatiguée, cela la rendait trop sensible. Nous sommes tous en détresse. Elle l’était. Comme une bombe à retardement qui va exploser ou imploser sous peu. Enfin, si le médecin avait l'air de vouloir clore la visite, Inès avait encore quelques questions.

"Quelle est la véritable nature de ces recherches docteur ?"

Quelle passe sa vie ici, ou ailleurs ne changerait rien. Le rire la blessa et elle plongea son regard dans le sien. Elle n'avait rien laissé derrière elle, aucun ami, aucune famille. C'était pitoyable à faire pleurer, et peut-être finalement que sa nouvelle vie serait une chance de démarrer du bon pied, de sortir du marasme de son ancienne existence.

"Et n’y a-t-il pas une salle de méditation ou chacun peut se recueillir et méditer ? C’est un minimum dans ce genre d’univers que d’offrir quelques espaces comme ceux-ci. Je ferais sans. Hum. Avons-nous la possibilité d'avoir accès à la télévision, tout du moins à une émission religieuse ?"

"Y a-t-il un psychologue ?"

si elle était toujours aussi distante, il n'y avait plus réellement de trace d'animosité en elle.

Les animaux sont-ils autorisés ici ?

La question suivant l'embarrassa. Premièrement, il ne cherchait pas lui-même à en savoir beaucoup plus sur la question, et se contentait des vagues réponses qu’on pouvait lui donner. Il n’avait pas envie de se sentir impliquer dans une chose qui le dépassait, et de loin. Il trouva la réponse la plus confortable qu’il put lui offrir. Une réponse simple, qui expliquait sans expliquer et qui lui permettait de se décharger sur les autres.

« Je ne sais pas exactement moi-même. Je suis venu ici dans un seul but, celui de faire mon travail. Les recherches pratiquées ici se concentrent sur les mutations génétiques, et pour plus d’informations, il serait plus commode de s’adresser à ceux qui s’en occupent. Vous croiserez sûrement certaines de leurs créatures et vous aurez peut-être envie d’en savoir plus. »

Kim n’avait jamais ressenti ce besoin de connaissances. Il avait accepté cette donnée, sans broncher. Oui, il y avait des hommes et des femmes-insectes ici et pour le médecin, tout était devenu d’une banalité déconcertante. Qu’importait la présence de ces êtres étranges, de toute façon, ils ne sortiraient plus jamais d’ici, quels qu’ils soient. Ce n’était ni joyeux, ni triste. C’était juste la réalité, et la réalité n’était pas toujours belle.
Inès paraissait moins sur la défensive et Kim eut presque pitié d’elle. Elle semblait… abandonnée. Il joua avec son crayon, s’amusant à le faire glisser entre ses doigts. Il se balançait sur sa chaise, machinalement.

« Malheureusement, il n’y a rien de tout ça ici. Dieu n’a pas vraiment sa place parmi cette base. Il y a d’autres personnes croyantes comme vous, mais elles ne sont pas si nombreuses. Avant, j’avais un semblant de foi, aussi, mais j’ai fini de la perdre ici. Cependant, je peux parfaitement comprendre votre besoin. La seule façon pour vous de le vivre tranquillement sera de vous recueillir dans votre chambre et de vous en contenter. Il n’y a pas non plus de télévision ou d’émission religieuse. »

Que pouvait un dieu ici ? Certainement plus grand-chose. Si dieu existait, alors il devait s’arracher les cheveux, là-haut. Les humains avaient transformé ses créations, les avaient hybridés, étaient juste devenus à leur tour des dieux capables de donner la vie à des créatures étranges et inimaginables, il y a encore quelques années.

« Un psychologue ? Il n’y en a pas non plus encore… »

Malheureusement, se retint-il de rajouter. Pour le moment, c’était lui qui jouait ce rôle assez désagréable. Il n’aimait pas porter à bout de bras la douleur des autres. Les poids sur sa conscience étaient déjà bien assez importants pour en supporter d’autres.

« Mais peut-être qu’on nous en transférera un bientôt. Je vous avoue que ça ne serait pas de trop, en effet. Pour finir… Non, aux dernières nouvelles, les animaux ne sont pas autorisés ici. De toute manière, n’importe quel animal deviendrait vite fou, ici. »

Un peu comme n’importe quel être vivant, en fait.

Bon, il ne lui apprendrait rien de plus. Il était se bornait visiblement à son travail sans savoir grand-chose du reste. Aucune importance. Par contre l’absence d’une infrastructure religieuse lui déplut fortement. Elle en toucherait un mot à la direction de cette base. Si elle devait vivre là, elle comptait sur le minimum vital et c’était la moindre des choses à offrir alors qu’on consacrait sa vie entière à cette dite base. Elle ne pensa même pas initier un débat avec le médecin. L’envie n’y était absolument pas. Cela ne servirait à pas grand-chose mise à part de gaspiller sa salive. Pas de psychologue. La première bonne nouvelle du jour. Elle lui tira un sourire fatigué et un soupire satisfait.

Elle raya son rêve d’enfant d’avoir un chat et le fit avec amertume. Amertume qui passa pratiquement immédiatement. L’humain est un animal, et s’il n’y avait pas de psychologue, personne ne viendrait l’ennuyer. Alors, devenir fou ou pas… Elle porta sa main à son médaillon et ferma à demi les yeux. Elle prit ensuite ses valises et sortit du bureau.

Fini les questions, fini.

Elle adressa au médecin un salut et elle tourna les talons.

Elle aurait quand même apprécier avoir un chat. Un chat qu’importe son pelage. On dit que les chats ont neuf vies. Cela doit être quelque chose d’être un chat, un beau chat au pelage ambré. Ou bien tigré. Les félins sont passionnants. Et des porcs ? Adorable cochon. Il devait sûrement y avoir des dérogation pour les animaux de laboratoire dont elle avait besoin pour effectuer ses xénogreffes. C’était un minimum. Elle regarda sa main, sa main fuselée dans son gant de cuire noir. Elle avait envie de se remettre au travail. Mais avant cela elle dormirait et prierait.

Quel idiot ce docteur quand même.

Une chatte ou un chat, cela n’aurait pas eu d’importance. Je pourrais toujours trouver un cochon affectif ou une autre bestiole de laboratoire. J’aurais aimé aller au zoo. Aller voir les grands félins et les éléphants.

Elle n’adresse de regard à personne. Elle avance. Demain, elle enfilerait sa blouse blanche, son badge et elle travaillerait. Et tout sera bien.

Enfin.

» Kim Amundsen - Flip the coin