A new life...

Elle se tenait là, rigide, elle ne bougeait pas réellement, se contentait de se tenir droite sur sa chaise. Ses deux valises à côté d'elle. Elle avait regardé avec un air indifférent deux militaires les fouiller, alors qu'en réalité elle trouvait cela totalement déplacé. Elle avait été engagée dans une équipe de recherche et on se croirait dans je ne sais qu'elle série télévisée où le héros met les pieds dans un milieu quasi carcérale, une caserne de militaires psychopathes ou quelque chose dans ce goût là. Le sas de décontamination, maintenant ce bureau où un scribe notait avec un bruit frénétique de toc et tic des informations sur elle dans son ordinateur. Elle lui avait donné les documents, et attendait qu'on vienne la chercher pour la faire définitivement entrer dans ce monde qui ne ressemblerait sûrement à aucun de ceux qu’elle a connu jusque là. L’entrée en matière est là pour en attester.

Elle regarda ses valises. Ces imbéciles les avaient malmenées, ses habits allaient être complètement chiffonnés.

Elle se tenait là, regardant la porte de son regard sévère. Aujourd'hui elle avait noué ses cheveux en un chignon au sommet de son crâne, elle portait une jupe noire et une chemise blanche, sa veste noire sous le bras. Lissant d'un geste automatique cette dernière. Elle poussa un énième soupire.

"Une fois toute ses formalités administratives effectuées, pourrais-je avoir le droit à quelques conforts primaires comme boire, accéder à des toilettes et surtout m'installer dans mon si joli nouveau lieu de vie. J'ai quelques valises à défaire afin de vérifier si je dois repasser à nouveau tout mes habits ou non suite au cyclone militaire qui s'est assuré que non je ne possédais pas d'arme ni rien de dangereux car bien sûr je n'ai qu'une envie c'est de faire sauter mon nouveau lieu de travail alors que je viens de quitter le précédent. Cela coule de source."

Le bruit des touches de clavier lui répondit. Visiblement, ce n'était pas le bureau d'information mais celui des larbins qui s'occupent de la paperasse et des militaires paranoïaques. Il fallait être patiente, l'imbécile finira son travail et quelqu'un viendra s'occuper d'elle. Avec une telle organisation, on ne pouvait être qu'au courant de son arrivée.

Son regard se promena sur les murs et elle espéra que la décoration soit plus recherchée dans les logements, d'ailleurs elle se demandait comment serait son chez soi. Elle ne savait pas pourquoi mais il lui semblait que son studio lui manquait déjà. Il n'était pas grand, mais il était soigné, décoré avec goût et ordonné. Le béton n'est pas quelque chose qu'elle qualifierait de décoration de bon goût.

Elle se demandait aussi comment étaient les laboratoires, comme étaient les blocs opératoires et elle se demandait surtout combien de temps encore on pousserait l'indécence de la faire attendre là.

Elle se sentait parachutée dans un autre monde, de débarquer totalement, d’avoir perdu tout ses repaires. Pourtant si elle se sentait comme une fillette qui a perdu sa mère dans une foule, elle se contentait de regarde placidement cette porte et de patienter, semblant calme et totalement indifférente à ce qu’il se passait. Être maître de tout son corps, de chacun de ses sentiments, ne jamais se laisser déconcentrer. La vie n’est pas tolérante, l’erreur n’est pas permise, l’inattention est prohibée et la déconcentration un crime.

Elle pariait que ces tordus allaient lui demander de faire une visite chez le médecin du coin pour un contrôle de base, routine et companie. Il ne manquerait plus que cela au palmarès…

« C’est une future collègue alors, tu seras bien gentil d’aller la chercher. En plus, faudra bien lui faire passer une petite visite médicale, histoire de voir si tout va bien. C’est ton boulot, alors t’y vas, Amundsen. »

*A tes ordres, mon gars. Si y’a que ça pour te faire plaisir, alors, allons-y gaiement et avec le sourire.*

Kim adorait rencontrer de nouvelles têtes et se faire de nouveaux amis – chez lui, le simple fait de faire connaissance vous propulsait déjà au rang de potentiel joyeux drille meilleur pote du toubib. Alors, tout heureux de l’aubaine, il avait sauté sur l’occasion quand on lui avait proposé de la rencontrer avant tout le monde. Il se sentait privilégié, et avait du mal à contenir son enthousiasme. Il avait écourté ses visites, expédiant rapidement un jeune garçon qui venait le voir pour une petite coupure au doigt, et laissa un petit mot sur la porte de l’infirmerie.

"Absent pour quelques instants."

Quelques instants, il n’en savait trop rien, mais cela évitait les questions pénibles et les plaintes des patients qui auraient trouvé le temps trop long. Après tout, s’il était absent, il avait donc une bonne raison, et il serait pardonné plus facilement. Quel médecin digne de ce nom irait prétexter une urgence pour savourer son petit plaisir de découvrir un nouvel arrivant ? Pour le patient lambda, le docteur Amundsen était en visite, et voilà tout.

Déchargé de toute responsabilité et le cœur léger comme une plume, il partit en direction du niveau zéro de la base, impatient comme un gosse à Noël. La pauvre victime devait encore en être aux prises avec la sublime et très efficace administration de la base, qui vous demandait un papier quand vous perdiez un papier, et un papier quand on vous retrouvait le papier. Papier qui partait ensuite en transfert avec tous ses amis papiers pour être traité dans les meilleurs délais - au moins un bon mois d'attente, si on avait de la chance.

Kim se présenta enfin à l’un des employés du bureau, expliqua son cas, et fut prié de venir. Il arriva avec un grand sourire. Il aperçut la jeune femme, qui attendait, l’air pincé. Il s’approcha d’elle, et la salua joyeusement :

« Bonjour, mademoiselle ! »

Kim sourit, d’un grand sourire un peu niais.

« Vous attendez depuis longtemps ? »

Avant même d’avoir la réponse, Kim se dirigea vers le type, derrière son ordinateur, qui tapait tel un dactylographe stakhanoviste, sur le clavier de la machine. Kim s’était toujours demandé ce qu’il pouvait bien rentrer dans son disque dur, pour être aussi long.

« Excusez-moi, pourriez-vous juste vous dépêcher un peu, cette jeune fille doit ensuite passer me voir pour la visite médicale de routine. »

L’employé lui lança un regard creux, mais consentit à hocher la tête, pour avoir la paix. Kim le remercia chaleureusement, pensant naïvement que sa demande serait écoutée, puis se retourna vers la nouvelle arrivante.

« Hm, pardon, je ne me suis pas présenté. Je m’appelle Kim Amundsen, je suis médecin sur la Base. D’après ce que j’ai saisi, vous êtes la nouvelle chirurgienne qui va rejoindre le bloc. Eh bien, nous sommes collègues alors, mademoiselle… ? Je n’ai pas noté votre prénom quand on m’a demandé de venir vous accueillir, je suis désolé. »

Il eut un petit rire gêné et se grata la nuque, puis reprit :

« Quoiqu’il en soit, dès que votre dossier sera fin prêt, je vous emmènerai passer une petite visite médicale. Rien de bien méchant, quelques questions, un ou deux examens, ne vous inquiétez pas ! Ensuite, vous serez parée pour affronter l’univers impitoyable de la Base, conclut-il, sur le ton de la plaisanterie. »

Parfois, Kim parlait beaucoup. Mais souvent, il parlait trop.

Elle aurait dû être soulagée qu'on vienne la tirer de ce bureau mais devant la sorte de pipelette sur roulette qui semblait être le médecin. Le regard glaciale l'observa un instant tandis qu'il enchaînait les questions réponses. Il aurait pu avoir un certain charme s'il ne souriait pas aussi candidement et n'avait pas l'air de manquer de sérieux. Elle espérait sincèrement qu'il était plus compétent avec ses patients parce que sinon cette visite médicale serait une vraie torture. Elle réfléchit un léger instant sur la conduite à tenir. Se leva finalement et prit ses valises. Elle s'arrêta devant lui. Et tendit sa main gantée. Elle serra d'autorité la main du médecin. Sans la lui broyer mais avec une poigne décidée.

"Dr Inès Treguier. Enchantée. "

Elle avait réellement des yeux magnifiques, mais comme tout son corps, ils respiraient le sérieux. Elle n'était pas hautaine, seulement rigide, seule sa voix était chaude. Un peu de fatigue se lisait sur son visage cependant et malgré ses efforts, il était évident que le voyage avait été long pour la jeune femme. Elle ne semblait pas s'en plaindre, elle semblait distante. Autant distante qu'on peu l'être sans toute fois paraître absente.

"J'ai suffisamment attendu pour affirmer que la procédure d'accueil devrait être revue. Procédons donc à cette visite médicale. "

Elle ouvrit sa mallette et lui tendit un document. Le ton était un peu cynique. Depuis qu'elle était là elle trouvait tout cela tout à fait détestable et exagérer. De quoi avaient-ils peur ? Qu'est-ce que cela cachait-il réellement. Cela avait de quoi effrayer, pourtant aucune peur ne se lisait en elle, un calme trop olympien.

"Carnet de vaccination."

La mallette se referma avec un clic sec et elle reprit ses bagages. Deux grosses valises noires, elle regardait autour d'elle et offrit au médecin un sourire poli pour l'engager à quitter ce lieu.

"Quelqu'un se chargera-t-il de me montrer mon logement et tout ce qui concerne mon travail, horaires, lieux, ou est-ce également vous qui le ferez ? Y a-t-il un règlement interne, un guide expliquant le déroulement de la vie ... ici."

Elle plissa légèrement le ne et regarda le plafond. Ici. Un univers impitoyable, la belle affaire. Ce personnage était réellement un comique ou sa vie allait-elle vraiment subir quelques changements indésirables ? Elle observait calmement les lieux, prête à suivre docilement le médecin. Elle tentait de se rappeler de ce qu'elle savait de son travail. Quelque chose qui avait attrait avec les insectes en tout cas. Elle se demandait bien par quelle technique on pouvait espérer lier deux espèces si différentes. Les arthropodes étant des animaux qui l'avaient toujours passionnée, n'avaient-ils pas conquit la terre ferme bien avant nos propres ancêtres, résister à de nombreuses conditions extrêmes. Elle avait lu un article de biologie à ce sujet tout à fait passionnant.

Par contre elle se demandait qu'est-ce qu'on lui demanderait de faire. L'idée qu'elle avait de son travail était vague. Quelle folie d'avoir signé ce contrat, elle se rappelait de ce soir là. Elle était ulcérée, cet imbécile de professeur ayant signé ce brevet, son brevet, sa découverte. Volée. Elle avait eu envie de tout envoyer jeter, loin, oublier ce travail, de cesser de s'investir de ... cette lettre avec cette offre de contrat avait parut comme un signe alors. Et elle avait signé.

Elle respira profondément, son visage sévère exempt de toutes émotions troublées.

Kim venait de rentrer dans un iceberg, pire dans un véritable glacier. Il allait si naturellement vers les autres, se montrait si familier, qu’il n’arrivait même plus à comprendre que de nombreuses personnes n’étaient certainement pas comme lui, ou n’aimaient pas que leur espace vital soit envahi par un énergumène sans gêne, qui pensait être l’ami de tout le monde. Kim ne se départit pourtant pas de son sourire et serra la main de la jeune femme, avec tout autant d’entrain.

« Kim Amundsen. Vous pouvez m’appeler Kim. Je suis ravi de vous rencontrer, Inès. »

Nouveau sourire mais Kim s’aperçut bien vite qu’il n’allait pas s’amuser beaucoup avec elle. Son enthousiasme n’en ressortit pas intact, mais il continua de se montrer affable et agréable. Il n’était jamais facile pour une personne d’arriver sur la base. Le changement d’univers était violent et pénible, et l’idée de ne jamais quitter se caillou devait faire son chemin, avant d’être acceptée.
Kim s’empara du carnet de vaccination que lui tendait la jeune femme et s’exclama :

« Merci, mais j’en aurai surtout besoin tout à l’heure, quand nous serons à l’infirmerie. Une visite médicale dans un endroit pareil serait… un peu gênant, et même moi, je ne crois pas que j’en sois capable. »

Il eut un rire limpide et reprit, toujours avec cette ridicule joie de vivre dans la voix :

« Ne vous inquiétez surtout pas, je vais tacher de vous expliquer au mieux ce que vous devez savoir. Pour votre travail, il vous faudra voir avec les autorités compétentes pour de plus amples précisions, parce qu’après tout, je ne suis que médecin. Mais je pense que je pourrai vous donner en gros les informations nécessaires à votre survie. »

Elle avait déjà ramassé ses bagages. Kim ne pensa pas une seule seconde à se proposer pour l’aider. Il n’était pas goujat, simplement distrait et bien trop absorbé par son tout nouveau de guide pour jeune membre de la base débutante.

[>L’Infirmerie]

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